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Basquiat /Schiele à la fondation Louis Vuitton

L’annonce de cette exposition a fait l’effet d’une bombe dans le monde de l’art. Jean-Michel Basquiat et Egon Schiele, c’est le choc des titans. Bernard Arnault, le PDG de LVMH, a réussi la prouesse de réunir plusieurs dizaines d’œuvres des deux artistes. Au total, ce sont quelques centaines de tableaux et dessins qui sont exposés.

Mais cette association est-elle pertinente ? Il s’agit de deux époques, deux mouvements et deux cultures qui sont confrontés. Schiele s’inscrit dans le Vienne de la Belle Epoque. Avec Klimt, son mentor, il contribue à redéfinir les canons esthétiques dans une société en mutation. Basquiat, lui, c’est le bouillonnement artistique de l’underground new-yorkais des années 80. Ce jeune prodige est très tôt repéré par Andy Warhol qui décèle son potentiel. Les deux acolytes vont devenir les ambassadeurs de l’art moderne et vont insuffler des messages qui résonnent encore aujourd’hui.

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Pourtant, lorsque l’on se penche un peu plus en avant sur la question, Basquiat/ Schiele, cela semble évident. En effet, ce sont deux âmes tourmentées, deux génies précoces, deux styles affirmés et identifiables, deux œuvres prolifiques et enfin, deux morts prématurées qui fauchent à l’âge de vingt-huit ans, l’un de la grippe espagnole et l’autre d’une overdose. Alors, les confronter, les mettre en perspective, c’est une idée brillante !

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Tout d’abord, chez chacun d’eux, on retrouve cette même énergie dans la ligne, le trait. Pour Schiele, ce sont des corps décharnés, cadavériques qui se tordent, reflet d’une âme qui souffre. Cependant, pour ma part, j’y décèle aussi quelque chose de pervers, de sadique peut-être. Ce qui me pose problème, c’est le traitement que l’artiste inflige à ces corps, pour moi, c’est comme s’il en prenait possession. Egon Schiele les esquisse  avec une complexe simplicité et nous les livre tels quels, sur le papier nu, dépouillé de tous les artifices qui leur restaient pour se couvrir et s’embellir. Ils sont mis à nu au sens propre comme au figuré.

Basquiat de son côté, est adepte de la couleur. Il procède par aplat, par touche, par accumulation,  avec un trait qui semble mal assuré, des lignes si infantiles que cela en est attendrissant, il dessine au gré de son inspiration. Par ailleurs, ce qui est par-dessus tout appréciable dans l’œuvre de Basquiat, ce sont ses qualités décoratives. Pour ma part, j’ai aussi perçu beaucoup d’esprit et d’humour dans plusieurs de ses toiles comme par exemple le fameux « Portrait of Andy Warhol as a banana », témoin d’une certaine espièglerie qui tranche avec la gravité de la plupart de ses sujets.

Bien que je m’incline  volontiers devant le talent artistique de Jean-Michel Basquiat, je reste perplexe sur de nombreux points. En effet, comme je l’ai évoqué plus haut, en vingt-huit ans d’existence, Basquiat a laissé une œuvre très fournie. Et c’est justement ce côté « fast painting » qui me pose problème. Là où d’autres le loueront d’avoir contribué à «  industrialiser » l’art, personnellement, je lui en veux. L’art, c’est avant tout une discipline. Une excellence, à la fois très académique, inatteignable mais aussi à la portée de tous car il se traduit par l’émotion. C’est cela qui fait l’art si précieux et si beau à mes yeux.

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Au départ, aucun de ces deux artistes individuellement ne m’intéressaient vraiment. Et c’est justement leur association qui m’avait attirée, voyant tout d’un coup ces deux noms côte à côte comme une évidence. Dès lors, je m’attendais à voir les œuvres des deux artistes entremêlées au sein d’une unique présentation. Or, à l’inverse, il s’agissait de deux expositions bien distinctes, ce que j’ai trouvé très regrettable. Malgré cette déception, j’ai grandement apprécié la scénographie qui était sublimée par la beauté du bâtiment, véritable bijou architectural.

 

L’exposition a lieu jusqu’au 14 janvier 2019, alors n’hésitez pas mais réservez vos billets en avance pour éviter de piétiner dans le froid !

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Ambre Esteoule.

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