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Le procès du Procès de Frank Kafka, mis en scène de Kristian Lupa

Le rendez-vous est donné vendredi 28 septembre à 19 heures au théâtre de l’Odéon dans le charmant quartier de Saint Germain des Prés. Nous arrivons tous avec beaucoup de curiosité, prêts à être poussés  dans nos retranchements, à être surpris et aussi étonnés. Mais également avec un peu d’appréhension. Il faut dire que 4 heures et demi de représentation en Polonais ce n’est pas très vendeur sur le papier. Peu importe, l’enthousiasme de notre professeur nous a plus ou moins convaincu mais nous ne pouvons plus reculer, nous voilà devant le fait accompli. Nous pénétrons alors dans le théâtre au retentissement de la cloche.

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Une fois installés à nos place, la lumière s’éteint et le premier tableau se met en place, sans préambule. Les premières scènes s’enchainent, lentement, très lentement, très très lentement !  Les acteurs défilent, et si l’on réussit à comprendre les liens qui les unissent, les rapports qu’ils entretiennent, dans l’ensemble, le but de tout cela reste très flou. En effet, une foule de questions nous viennent à l’esprit comme par exemple : Pourquoi l’acteur principal effectue des allées et venues sur la scène en chaussettes  depuis vingt minutes sans dire un mot ? Et puis, par moment une voix, une voix venue de nul part, à peine perceptible commente la pièce, ou non, on dirait plutôt les pensées des personnages. Oh et puis c’est incompréhensible ! Tient, une vidéo est projetée, pendant la pièce, c’est déroutant, original mais brillant. En un instant, la pièce devient plus « lisible », les plans se succèdent et les choses s’éclaircissent. Les décors évoluent avec des effets de plan, des jeux de lumières et le tout est agréable à regarder, excepté que nous avons les yeux rivés sur l’écran pour espérer avoir le temps de lire les sous titres qui défilent à un rythme fou. 

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Et puis enfin, vient le moment tant attendu : l’entracte. Conciliabule général, nous sommes tous rassurés, nous ne sommes pas les seuls à ne pas avoir saisi les enjeux de la pièce. Chacun y va de son commentaire avec un éclat de rire ou de son anecdote avec une grimace perplexe. Au bout d’un quart d’heure, la sonnerie retentit et nous regagnons nos sièges, revigorés, prêts à affronter le prochain round.

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Rétrospectivement, nous nous sommes tous mis d’accord pour dire que le deuxième tableau était de loin le plus éprouvant. Le metteur en scène prend des partis pris radicaux qui mettent le spectateur en déroute totale. Le silence s’installe et l’on sent  qu’il va durer un bon moment. Plus un mot, juste quelques bruits sourds, à peine perceptibles. Soudain, Crise d’hystérie communicative, chaos général, les acteurs mettent à sacs la scène et les décors avec une maitrise assez remarquable, ils hurlent, ils courent, ils sautent, ils aboient, bref, ils délirent. Et puis tout à coup…ils se déshabillent complètement. Tous. Au point où on en est, pourquoi pas, au moins il se passe quelque chose.

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A la suite d'un second entracte passé trop vite, la fatigue commence à se faire sentir et nous ne sommes plus aussi attentifs qu’au commencement de la pièce. Dans la salle, plusieurs personnes s’assoupissent, d’autre s’ont déjà parties. Nous, nous décidons de rester. Après plus de trois heures de représentation, nous sommes prêts à tout voir et à tout entendre. Cela, les comédiens l’on bien comprit et nous sommes copieusement servis. Le troisième tableau s’inscrit dans la ligné du second. Mais, à force d’évènements plutôt curieux, de rebondissements qui n’en sont pas et d’une action qui ne vient pas, les acteurs nous ont perdus et nous sommes de moins en moins aptes à supporter le désordre qui se déroule sous nos yeux mis clos de fatigue. 

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Les lumières se rallument, l’orchestre apparait clairsemé, mais les applaudissements sont enjoués et sincères. Visiblement il y a deux camps : les afficionados et les détracteurs, séparés tous deux par un no man land infranchissable.

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Etre allé à cette représentation constitue une expérience unique que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Les décors, les effets de mise en scène étaient particulièrement réussis. Cependant, le principal reste flou et est  l’objet de notre perplexité. Qu’a bien voulu exprimer ainsi Kristian Lupa à travers des partis pris si radicaux, des scènes étranges, voire complètement bizarres et parfois même obscènes ? La déroute de l’être humain face à ce qu’il ne s’explique pas, les dérives de nos sociétés, les dangers de notre système judiciaire…les explications ne manquent pas, nous en sommes convaincus. Ce dont nous le sommes moins, c’est la façon qu’a Kristian Lupa de nous exposer la thèse de Kafka et ses arguments.

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Désormais, on peut au moins se targuer d’avoir assisté à une représentation d’un grand nom du théâtre moderne, Kristian Lupa.

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Pour finir, terminons sur une note joyeuse, accompagnée d’une mention spéciale au brillant auteur de ce trait d’esprit, lancé pendant la pièce : «  Mais enfin, viole le, qu’il se passe quelque chose ! ».

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Ambre Esteoule.

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